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Nouvelle procédure devant la Cour européenne des Droits de l’Homme

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I- Le nombre spectaculaire des affaires pendantes devant la Cour

C’est un fait bien connu des juristes : la Cour européenne des Droits de l’Homme croule sous le nombre des requêtes de particuliers se prétendant victimes d’une violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Au 1er janvier 2013, le nombre des affaires pendantes devant la Cour s’élevait à 128.100 ce qui représente évidemment un travail considérable pour une juridiction, somme toute, composée de seulement 47 juges. Et ce nombre devait aller croissant vu le nombre moyen de 1.400 requêtes individuelles déposées chaque jour au greffe de la Cour !

Différentes réformes entreprises par les États pour diminuer ces nombres, ont été adoptées par les États et, parmi elles, l’adoption des protocoles n°11 et n°14 qui ont réellement accru la « productivité » de la Cour. Mais ces réformes n’ont pas suffi à juguler le flot des requêtes. La Cour a donc profité d’une disposition de la Convention pour, elle-même, durcir les conditions de « recevabilité » des requêtes qui lui sont adressées.

II- Le nouveau règlement de procédure de la Cour en vigueur le 1er janvier 2014

Le règlement de procédure de la Cour est adopté par son assemblée plénière conformément à l’article 25 de la Convention.

Ce règlement a pour objet d’organiser le fonctionnement interne de la Cour et de son greffe : identification des causes possibles de révocation des juges, votes au sein des sections, rédaction des arrêts, langues utilisées, rôle des rapporteurs, modalité de désignation du greffier, etc.

A côté de l’organisation générale de la Cour, sans véritable intérêt pour les particuliers que nous sommes, on trouve un article 47 du règlement qui, lui, présente un véritable intérêt pour les justiciables et leurs avocats. Cet article détermine en effet les conditions de recevabilité des requêtes déposées par les particuliers ou leurs avocats au greffe de la Cour.

Et c’est justement cet article que la Cour a récemment modifié pour réduire le nombre des requêtes admissibles devant elle.

a) Rapide retour sur l’ancien article 47 du règlement de procédure

Jusqu’au 31 décembre 2013, pour saisir la Cour d’une requête, l’article 47 demandait simplement au requérant de déposer sa requête au greffe de la Cour et ce, dans le délai de six mois à compter de la dernière décision rendue par la plus haute juridiction de son État. En retour, le greffe lui adressait un formulaire à remplir et qu’il devait renvoyer dans les huit semaines qui suivent. La requête était alors « recevable ».

Exemple : imaginons un arrêt rendu par la Cour de cassation française, le 5 janvier 2013, et qui aurait rejeté les demandes d’un certain monsieur X. Ce dernier aurait alors pris le temps de réfléchir, de consulter des avocats et, finalement, le 4 juillet de la même année, aurait déposé au greffe de la Cour européenne une demande d’examen de son affaire. Le greffe lui aurait alors remis le formulaire à remplir que monsieur X lui aurait rendu dans les huit semaines qui suivaient. La requête de monsieur X était bien recevable eu égard au règlement de procédure de la Cour.

 b) Ce que le nouveau règlement de procédure a changé

Le nouveau règlement de procédure de la Cour, adopté le 6 mai 2013, et entré en vigueur le 1er janvier 2014 met un terme à l’ancien système : désormais, la saisine de la Cour est valable uniquement si le formulaire renvoyé par le greffe a été correctement et complètement rempli par le requérant dans les six mois suivant la décision rendue par la dernière juridiction saisie.

Reprenons l’exemple proposé plus haut en imaginant, cette fois, que l’arrêt rendu par la Cour de cassation française date du 5 janvier 2014 (donc après l’entrée en vigueur du nouvel article 47). Si monsieur X saisit la Cour européenne d’une première demande, le 4 juillet 2014, tout va bien a priori puisque sa requête intervient dans les six mois suivant la décision de la Cour de cassation. Le greffe lui remet le formulaire à remplir qu’il doit alors impérativement renvoyer le…lendemain au plus tard faute de quoi sa demande ne sera pas recevable, le délai des six mois expirant le 6 juillet 2014.

En clair, une requête devant la Cour européenne des Droits de l’Homme doit désormais être « bouclée » dans les six mois qui suivent la date de la dernière décision rendue par la plus haute juridiction interne. Le document qui fait foi et interrompt le délai n’est plus la « demande initiale » mais le « formulaire correctement et complètement rempli ».

C’est une petite modification du règlement qui est passée inaperçue des avocats mais dont l’importance pratique est incommensurable : dans les faits, elle réduit le délai de recevabilité des requêtes devant la Cour. Beaucoup – avocats et requérants – vont tomber dans cette chausse-trappe et c’est là-dessus, malheureusement, que la Cour européenne des Droits de l’Homme compte pour alléger sa charge de travail.

Prochaine étape en vue : la réduction des six mois à seulement quatre mois (protocole n°15 non encore entré en vigueur).

L’accès à la Cour européenne des Droits de l’Homme n’est décidément pas un « droit de l’homme » !