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Disparition de la ZEE de Mayotte

Cela fait des années que divers organes y compris le Sénat mettent en garde l’exécutif français sur un problème bien particulier qui paraît technique mais qui, en réalité, ne l’est pas du tout.

La France est partie à la Convention de Montego Bay que certains appellent la « constitution des océans et des mers ». Ce texte adopté en 1982, au sein des Nations Unies, et entré en vigueur en 1994 alloue différents espaces maritimes aux Etats côtiers.  

L’un de ces espaces, la Zone économique exclusive ou ZEE, est crucial pour l’économie d’un pays comme la France. Dans cette zone, la France contrôle l’exploitation de toutes les ressources y compris celles issues de la pêche et peut sanctionner les contrevenants (pêcheurs, etc.).

Il faut se souvenir que la France dispose de nombreuses îles restées françaises après la décolonisation qui lui permettent d’avoir une ZEE totale d’environ 10 millions de km², la seconde en superficie après les Etats-Unis.

En ce qui concerne Mayotte, Raymond Barre, alors premier ministre, avait décidé en 1979 que cette île disposerait d’une ZEE de 320 km à compter de ses côtes mais cela, sans tenir compte du droit pour les voisins comorien et malgache de faire de même. Cette ZEE couvrirait 68.321 km².

Or, la Convention de Montego Bay qui entre en vigueur 15 ans plus tard, prévoit qu’en pareille situation, l’Etat côtier doit négocier avec ses voisins, à tout le moins, un accord provisoire de délimitation maritime de ZEE. En l’absence d’un tel accord, point de ZEE.

Mais, la France n’a pas obtenu d’accord avec ses voisins et n’a pas non plus modifié la limite extérieure de sa ZEE datant de 1979. Elle continuait encore récemment à faire patrouiller dans cette fausse ZEE ses douaniers et ses gendarmes sanctionnant tous ceux qui violaient ses règlements.

C’est terminé !

Dans un arrêt Abdou c/ Ministère public daté du 22 août 2024, la Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion a, en effet, mis un stop à ce comportement post-colonial et illégal : en l’absence d’accord provisoire de la France avec ses voisins, les autorités françaises n’ont pas compétence pour verbaliser qui que ce soit dans cette fausse ZEE.

Il s’agit d’une décision incroyable qui fait triompher la règle de droit international sur le droit interne et qui prouve que la justice française peut, si elle le veut, être indépendante même lorsqu’elle est confrontée à de considérables enjeux.

Cette décision pourrait avoir un impact dépassant la seule île de Mayotte dans la mesure où, sur de nombreux endroits de la planète, la France n’a pas passé d’accords avec ses voisins aux fins de délimiter correctement sa ZEE.

Le parquet général croit au père Noël : il a saisi la Cour de cassation d’un pourvoi pour faire annuler cet arrêt d’appel qui est pourtant totalement conforme au droit applicable. La réponse de la Haute juridiction sera donnée probablement en 2026.