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Actualités du droit international

CADHP – Affaire Jean Ping c/ Gabon



I- Les élections présidentielles gabonaises de 2016 désignent Jean Ping vainqueur


Le 30 août 2016, huit sur les neuf provinces que compte le Gabon, ainsi que les représentations diplomatiques gabonaises, ont publié leurs résultats :

Le 27 août 2016, des élections présidentielles se déroulent sur tout le territoire du Gabon. Il s’agit d’un scrutin majoritaire à un tour.
Ces élections voient s’affronter dix candidats dont le plaignant et le Président de la République sortant, Monsieur Ali Bongo.

  • PING : 169.599 voix
  • BONGO : 108.659 voix

L’écart en faveur du candicat Ping est très élevé : 60.940 voix.

Les résultats de la province du Haut-Ogooué dont Ali Bongo est originaire, ne sont pas encore publiés. Cette province compte 71.714 inscrits.

Monsieur Ping obtient copie de 182 des 297 vrais procès-verbaux de cette province. Ces 182 procès-verbaux donnent le résultat suivant :

  • PING : 4.144 voix
  • BONGO : 27.409 voix

Les choix des 31.553 électeurs restants correspondant aux 115 derniers procès-verbaux est inconnu (les procès-verbaux ayant été détruits).

Dans l’hypothèse la plus haute c’est-à-dire en supposant que ces 31.553 électeurs aient voté pour Ali BONGO, les résultats des élections seraient :

  • PING : 173.743 voix
  • BONGO : 167.621 voix

Cela signifie que Jean Ping est le vrai gagnant de ces élections.

Le 31 août 2016, le ministère de l’intérieur gabonais, en toute impartialité, proclame la réélection d’Ali Bongo.


II- La Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples se défausse


Après un rapide passage inefficace devant la Cour constitutionnelle présidée par la belle-mère d’Ali Bongo, Jean Ping saisit la Commission africaine des Droits de l’Home et des Peuples (CADHP). Nous sommes le 13 février 2018.

Le 26 juillet 2023, un mois avant les élections présidentielles suivantes, Woll Avocat reçoit l’information de la CADHP selon laquelle la requête de Monsieur Ping est irrecevable.

Le résultat est « terrifiant » : la CADHP juge cette requête irrecevable.

Elle rappelle que, selon l’article 56§6 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, les requêtes doivent

être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes

Mais la CADHP décide de transformer l’expression « délai raisonnable«  par « 6 mois sauf circonstances exceptionnelles« . Et d’ajouter qu’une élection présidentielle n’est pas une circonstance exceptionnelle (il est vrai qu’une élection présidentielle volée en Afrique est malheureusement un grand classique…).

La requête est donc irrecevable car présentée trop tardivement. Notez bien qu’il aura fallu 5 ans à la CADHP pour dire cela.

Pour un avocat et, de manière plus large, pour un juriste, voir remplacer l’expression « délai raisonnable » par une durée fixe de 6 mois, qui plus est assortie d’un pareil jugement, est totalement inadmissible et franchement irritant.

Chacun aura compris que la CADHP a fait preuve d’une grande indépendance et d’une impartialité sans pareille en prenant cette décision courageuse qui revient finalement à nier, 5 ans après les faits, le droit à des élections présidentielles libres au Gabon.

La leçon à en tirer est que la saisine de la CADHP ne saurait être faite que s’il est ABSOLUMENT impossible de saisir un autre organe. Une décision et un organe à oublier définitivement (si possible).