Woll avocat

Actualités du droit international

Quels sont les recours contre le gel et la confiscation des avoirs ?

ARGENT

 

Les Etats ne font plus de politique étrangère. Ils adoptent désormais, seuls ou par l’intermédiaire d’organisations internationales, des « smart sanctions » censées cibler les dirigeants d’un pays et non toute la population. Et la reine des sanctions est aujourd’hui le « gel des avoirs ».

On immobilise un yacht, on bloque des actions bancaires, on interdit la vente d’une maison ou d’une voiture, etc. Tout cela à partir d’un ordinateur !

Bien sûr, l’idée d’aller plus loin et de confisquer ces avoirs fait son chemin : la tentation est grande pour les Etats européens de confisquer les avoirs « russes » pour renflouer leurs caisses.

Mais ces sanctions sont-elles légales et comment lutter contre ce faux outil de politique étrangère qui ne saurait remplacer une vraie diplomatie ?

 

I- Les avoirs russes situés en Europe bénéficient-ils d’une protection de droit international ?

 

L’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme impose aux Etats qui l’ont ratifié de respecter les biens de tout citoyen quelle que soit sa nationalité (russe, libyen, sud-africain, haïtien, etc.). 

Il est admis par la Cour européenne des Droits de l’Homme que cette disposition couvre tout type de bien (appartements, maisons, yachts, voitures, montres, etc.) y compris les comptes bancaires : voir, par exemple, l’affaire Olczak c/ Pologne jugée par la Cour, le 7 novembre 2002.

Cette protection s’impose également à l’Union européenne par le biais de l’article 17 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne.

 

II- Quelle distinction existe-t-il entre « gel » et « confiscation » d’avoirs ?

 

Le gel est une mesure temporaire. Autrement dit, le titulaire retrouvera, dans un avenir plus ou moins lointain, la pleine jouissance de ses avoirs.

La confiscation est une mesure définitive et emporte transfert de propriété. Les avoirs sont transférés dans le patrimoine d’une autre personne.

Dans certains cas, on peut également parler de confiscation en cas de gel des avoirs si ce gel dure depuis des années sans espoir d’un retour à la normale.

 

III- L’Union européenne peut-elle geler les avoirs de citoyens russes ?

 

La protection offerte par l’article 17 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne n’est pas absolue.

Le gel des avoirs est donc possible mais à condition que les motifs invoqués correspondent à la réalité et respectent certaines conditions bien précises énoncées à l’article 17 de la Charte ou par la jurisprudence.

Dans le cas des avoirs dits « russes », la difficulté tient au fait que le gel vise parfois des avoirs qui appartiennent à des personnes sans rôle décisionnaire dans la guerre en Ukraine.

 

IV- L’Union européenne peut-elle confisquer les avoirs des citoyens russes ?

 

Non car il s’agirait alors d’une « expropriation ».

Or, l’article 17 de la Charte des Droits fondamentaux exige, en contrepartie de cette expropriation, le versement d’une « juste indemnité » qui serait donc égale au montant des avoirs confisqués.

Cela n’aurait donc aucun sens : on prendrait d’une main et rendrait de l’autre.

A noter qu’en l’absence de « juste indemnité », cela ressemblerait davantage à un vol enturbanné dans une apparence de légalité qu’à une mesure de politique étrangère intelligente.

 

V- La France peut-elle, de sa seule initiative, geler ou confisquer les avoirs de citoyens russes ?

 

La France s’est dotée d’un arsenal juridique lui permettant de geler des avoirs même lorsque l’Union européenne ou les Nations Unies ne l’ont pas demandé. Elle pourrait donc également le faire pour les citoyens russes dont elle estime qu’ils soutiennent la guerre en Ukraine.

En revanche, elle ne peut pas confisquer ces avoirs sauf sur décision d’un juge pénal et dans la mesure où ces avoirs seraient le fruit d’une infraction pénale. En dehors de cette hypothèse, elle violerait l’article 1er du Premier protocole à la Convention européenne des Droits de l’Homme précité.

Il faut rappeler que les contre-mesures ne sont admises, en droit international, que si elles sont temporaires, nécessaires et proportionnées au but poursuivi.

 

VI- Quels sont les recours juridictionnels existants ?

 

Les recours juridictionnels (= devant des juges) dépendent de l’auteur de la sanction.

 

  •  Contre une sanction prise par la France, seule

 

Il convient de saisir les juridictions administratives françaises.

L’absence de courage de ces juridictions et leur proximité, au moins idéologique, avec le politique amoindrissent considérablement les chances de succès de ces recours.

Ensuite, une fois le laborieux chemin parcouru en interne (Tribunal administratif – Cour administrative d’appel – Conseil d’Etat), il est possible de saisir la Cour européenne des Droits de l’Homme (plus indépendante) ou, dans certains cas (plus rares), le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies.

 

  • Contre une sanction de l’Union européenne

 

Le seul recours juridictionnel existant est le Tribunal de première instance de l’Union européenne.

Ce type de recours ne permet pas de développer tous les types d’argumentation car le Tribunal n’est pas compétence pour examiner la violation du droit international général. Toutefois, il demeure un recours efficace.

En cas d’échec, le jugement que rend le Tribunal peut être remis en cause, par la suite, par la Cour de Justice de l’Union européenne dans le cadre d’un pourvoi.