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Actualités du droit international

Les noms des cratères de Mars sont à vendre

mars

 

Depuis quelques mois se joue une bataille sur les « mots » dont l’objet aurait sûrement amusé l’écrivain Ray Bradbury. Une société américaine, UWINGU, conteste en effet le droit de l’Union astronomique internationale (UAI) de nommer les cratères qui se trouvent à la surface de la planète Mars. L’affaire n’a pas encore été portée devant les tribunaux mais cela ne saurait tarder. 

I- Les protagonistes

D’un côté, nous avons UWINGU (qui signifie « ciel » en Swahili), une société de droit américain dont l’objectif est le financement de la recherche astronomique. Pour alimenter ce financement, elle vient de mettre en vente les « noms » des cratères de Mars et de certaines exoplanètes qui figureront sur les cartes UWINGU. Pour un cratère, comptez entre 5 et 5.000 $ selon sa superficie.

De l’autre, nous trouvons l’Union astronomique internationale (UAI) qui n’a d’international que le nom car, en droit, il s’agit d’une association « déclarée » de droit français (loi 1901). Son objet : la promotion de la science astronomique à travers divers projets internationaux.

II- La dispute

Le conflit entre les deux entités débute en mai 2013, au moment où UWINGU a proposé aux internautes de baptiser la planète Alpha Centauri Bb. Pour la modique somme de 5 US $, tout un chacun avait droit de suggérer un nom susceptible d’être finalement retenu par la société. Les fonds ainsi collectés iraient à des programmes d’exploration spatiale. Le nom finalement retenu fut…« Albertus Alauda ».

Aujourd’hui, UWINGU appelle le public à nommer les cratères de Mars. Et ce sponsoring privé n’est pas du goût de tous. Il a été très mal accueilli par l’UAI qui y a vu une opération commerciale destinée à la priver de ce qu’elle considère être comme l’une de ses attributions « exclusives », à savoir celle de « nommer », selon un processus élaboré et particulièrement long, les astres de notre univers.

La dispute qui s’en est suivie par médias interposés entre pro-UNWINGU et pro-UAI, pose une question juridique originale très simple : qui a le droit de nommer les objets célestes ?

III- Pistes de réflexion

Les astres, en droit international, ne peuvent faire l’objet d’aucune appropriation que ce soit pas un Etat ou par un particulier (société, association, individu, etc.).

Pour autant, aucune règle de droit international n’interdit de les nommer ou de nommer certaines de leurs parties (cratères) : le fait de donner un nom à un objet n’implique pas qu’on se l’approprie. Si j’ai envie d’appeler « escargot », la Lune, rien ne me l’interdit.

Partant, l’UAI et UWINGU ne semblent violer, a priori, aucune règle de droit international.

Il reste alors à déterminer laquelle des deux nomenclatures entre celle de l’UAI et celle d’UWINGU, doit s’imposer aux pouvoirs publics. Cette question est en fait sans réponse car l’UAI et UWINGU doivent être placées sur un pied d’égalité.

Aucun texte de droit n’impose, en effet, à l’Etat français – ou à tout autre Etat – de reprendre à son compte les « noms » forgés par l’une ou l’autre de ces deux entités.

Certes, les noms proposés par l’UAI sont revêtues d’une certaine aura puisque chacun d’eux est censé avoir fait l’objet d’une étude permettant de vérifier qu’il ne constitue pas une injure dans tel ou tel dialecte parlé dans le monde. Et c’est d’ailleurs ce qui expliquerait la durée du processus de « nomination » effectuée par l’UAI. Pour autant, UWINGU est tout aussi apte à nommer, sur les cartes qu’elle confectionne, les objets célestes qui l’intéressent.

La réponse serait différente s’il apparaissait que l’UAI, qui travaille parfois en partenariat avec l’UNESCO, avait reçu un mandat international émanant, par exemple, des Nations Unies pour choisir les noms des astres et autres objets célestes. La coutume internationale pourrait alors permettre de trancher le débat en faveur de l’UAI. Mais tel ne semble pas être le cas à la lecture notamment de l’accord de coopération en matière d’astrophysique du 26 mai 1979 conclu entre la France et l’Espagne en vertu duquel le gouvernement espagnol doit « s’efforce[r] d’appliquer les recommandations de l’Union astronomique internationale ». Une telle demande n’aurait pas lieu d’être si les « recommandations » de l’UAI s’imposaient déjà à tous !

Il n’y a donc aucune raison en droit de dénier à UWINGU le droit de vendre les noms des cratères de Mars qui figureront sur ses cartes. Elle est tout aussi légitime, en droit, que l’UAI à « nommer » les cratères de la planète Mars.