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Les frappes contre la Syrie du 14 avril 2018 sont-elles légales ?

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Le 14 avril 2018, à 3 heures du matin, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont frappé conjointement le territoire syrien. L’objectif revendiqué est de ne pas laisser passer l’emploi, par le gouvernement syrien, de gaz toxique(s) contre sa propre population.

Si certaines questions de droit international posent des difficultés, ce n’est assurément pas le cas ici : ces frappes sont illégales (II) car contraire aux règles autorisant le recours à la force (I).

 

I. Dans quels cas un Etat est-il en droit de recourir à la force contre un autre Etat ?

 

La France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont membres des Nations Unies. Ils ont ratifié la Charte des Nations Unies dont l’objectif est de fixer un cadre au recours à la force armée entre les Etats membres.

Ce recours est autorisé dans seulement deux cas :

  • sur autorisation préalable du Conseil de Sécurité des Nations Unies ;
  • en cas de légitime défense (collective ou individuelle) qui est un droit de réplique à une agression.

En dehors de ces deux situations, l’emploi de la force est contraire au droit international c’est-à-dire illégal.

 

II. Les frappes du 14 avril 2018 contre la Syrie étaient illégales

 

Le président français et ses alliés ont expliqué que ces frappes étaient « légitimes » dans la mesure où :

  1. Elles tendraient à obtenir le respect de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques ratifiée par la Syrie, le 14 septembre 2013.
  2. Elles auraient pour objectif de faire respecter une résolution antérieure du Conseil de Sécurité : la résolution 2118 (2013).
  3. La Syrie aurait perpétré un crime inexcusable : l’ attaque chimique contre sa propre population.

Mais, « légitimes » ne signifie pas « légales ».

Il est peut-être légitime pour des SDF de s’installer dans un appartement vide mais ce n’est pas légal pour autant. Le « légitime » fait appel à une idéologie de référence (morale ?), le droit à un corpus de règles.

Les justifications avancées ici ne permettent pas de « légaliser » les frappes contre la Syrie, aussi « légitimes » seraient-elles, en l’absence d’autorisation du Conseil de Sécurité des Nations Unies ou d’un état de légitime défense.

La France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont donc violé le droit international au motif prétendument de le faire respecter.

Curieuse dialectique que ce

je viole le droit international pour faire respecter le droit international.

Ajoutons que l’article 103 de la Charte des Nations Unies place l’interdiction de recourir à la force en dehors de l’autorisation du Conseil de Sécurité ou d’un cas de légitime défense, au-dessus de toutes les autres normes y compris celle interdisant l’usage d’armes chimiques :

En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront.

L’intervention en Syrie – qui constitue donc une agression armée de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni contre la Syrie – est le symptôme d’un grand mépris de nos dirigeants pour le droit international.