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Le port du turban sikh et la liberté de religion

sikh

La liberté de religion inclut le droit d’exprimer sa religion par le port vestimentaire de symboles religieux. Ce droit s’impose aux autorités françaises et la loi ne saurait y faire échec. C’est ce qu’a tout récemment rappelé le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies dans sa décision Bikramjit Singh c/ France concernant le port du keski qui est un « sous-turban » porté par les jeunes adeptes du sikhisme.

 

I- Les faits

Dans cette affaire, le plaignant était un jeune homme né en 1986, de nationalité indienne et de religion sikhe, scolarisé en France.

A la suite de l’adoption de la loi n°2004-228 encadrant le port des signes religieux à l’école, le conseil de discipline de l’établissement où il était scolarisé, prononça son exclusion définitive de l’école au motif que l’adolescent refusait d’ôter son keski pour entrer en classe.

Invoquant son droit à manifester sa religion, M. Singh s’adressa aux juridictions administratives qui confirmèrent son exclusion.

Il saisit alors le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies pour violation notamment de l’article 18 du Pacte international des Droits civils et politiques protégeant la liberté de religion.

 

II- La décision du Comité des Droits de l’Homme

Le Comité, suivant en cela une jurisprudence qu’on peut faire remonter au moins jusqu’à sa décision Hudoyberganova c/ Ouzbékistan, considéra, dans un premier temps, que l’État français avait bien commis une ingérence dans le droit à la liberté de religion de l’auteur de la plainte.

Dans un second temps, il rappela qu’une telle ingérence n’était pas, pour autant, constitutive d’une violation du Pacte. Une ingérence « nécessaire et proportionnée » au but qu’elle poursuit, est légitime.

Or, en l’espèce, le Comité estima que l’exclusion du plaignant ne pouvait être regardée comme nécessaire dans la mesure où le port du keski ne représentait assurément pas une « menace pour les droits et libertés des autres élèves ou pour l’ordre au sein de l’établissement ». En outre, le Comité jugea disproportionnée, la sanction prononcée par le conseil de discipline, à savoir l’exclusion définitive du lycée.

Partant, le Comité considéra que la France avait bel et bien violé le droit à la liberté de religion du plaignant et condamna l’État à lui verser une indemnisation appropriée. De façon plus inattendue, le Comité demanda à la France qu’elle revoie la loi n°2004-228 à l’origine de la plainte.

 

III- La France, encline à violer le droit à la liberté de religion de ses administrés

Il n’est pas sans pertinence de rapprocher cette décision récente d’une autre décision du Comité des Droits de l’Homme, moins récente puisqu’elle date du 22 juillet 2011. Il s’agit de l’affaire Ranjit Singh c/ France dans laquelle le Comité condamna la France pour violation de la liberté de religion dans la mesure où elle avait obligé un Sikh à ôter son turban sur la photo destinée à figurer sur sa carte de résidence.

Rares sont les décisions rendues par le Comité des Droits de l’Homme « contre » la France. Principale raison à cela : les avocats sont peu au fait de l’existence de cet organe international qui dispose, pourtant, de pouvoirs similaires à ceux de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Mais, assez curieusement, les quelques affaires dirigées contre la France et dont le Comité a eu à connaître ces dix dernières années, ont souvent trait à l’article 18 du Pacte, c’est-à-dire à des questions liées à la liberté de religion, preuve s’il en est d’une forme de crispation, en France, autour de ces questions.

 

IV- Lien avec la question du port du « voile islamique »

La compatibilité de la réglementation française « du » voile islamique (tchador, hijab…etc.) avec le principe de la liberté de religion énoncé dans le Pacte, est autrement plus sensible chez nous que la question du port du turban.

Elle n’a pas encore été examinée par le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies. Mais, à supposer que l’on puisse tirer un enseignement sur ce sujet des affaires Ranjit Singh c/ France de 2011 et Bikramjit Singh c/ France de 2012, il se pourrait que la réponse du Comité soit détonante.