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Le Congo doit restituer les restes de Savorgnan de Brazza à sa famille

Brazza

La cour d’appel de Paris, le 11 septembre 2013, a ordonné à la République du Congo (Brazzaville) qu’elle restitue, dans les trois mois, les « restes mortuaires de Pierre Savorgnan de Brazza » à ses descendants.

 

I- Un contrat inhabituel et difficile à mettre en œuvre

Dans cette affaire, les ayants-droit de l’explorateur qui a donné son nom à la capitale du Congo, avaient accepté que les restes de leur illustre aïeul soient transférés du cimetière de Bru (Algérie) vers un mausolée bâti à cet effet au Congo sous certaines conditions dont :

  • l’édification d’une statue du roi Makoko Ier à côté de celle de Savorgnan de Brazza ;
  • l’entretien constant de la voie menant de Brazzaville à Mbé, capitale du royaume Teké ;
  • le maintien en bon état du lycée « Savorgnan de Brazza ».

Ces différentes conditions avaient été insérées dans un protocole d’accord en date du 29 septembre 2006 et signé du représentant de l’État congolais et des descendants de l’explorateur. Une clause indiquait, par ailleurs, qu’en cas de litige, le juge compétent serait le tribunal de grande instance de Paris et le droit applicable, le droit français.

 

II- La procédure judiciaire

Considérant que les conditions précitées n’avaient pas été respectées, la famille du défunt explorateur, saisit le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir le « retour » des restes de leur aïeul. Mais, par jugement du 5 octobre 2008, le tribunal rejeta cette demande. La famille interjeta alors appel de cette décision. Et, cinq ans plus tard (ce qui est bien long), la cour d’appel de Paris donna finalement raison à la famille : les restes mortuaires de l’explorateur doivent être rendus à sa famille. Cette décision est assortie d’une mesure de contrainte selon laquelle, passé le délai de trois mois, le Congo devra verser à la famille, 8000 euros par mois de retard.

 

III- Une victoire à la Pyrrhus

Il est bien sûr difficile de « critiquer » une décision qui repose avant tout sur une analyse des faits et non une interprétation du droit.

Néanmoins, deux remarques de bon sens pourraient être faites et qui suffisent à démontrer le caractère utopique de cet arrêt qui, sur le plan du droit, n’est guère contestable.

La première de ces remarques est qu’on ne voit absolument pas comment cette décision pourrait être mise en œuvre au Congo sans l’accord de ce dernier. En l’absence de pourvoi en cassation, la seule option ouverte à la famille pour mener à bien la procédure consisterait en la saisine d’un tribunal congolais pour obtenir de lui qu’il ordonne à l’État congolais l’exécution sur son territoire de la décision de la cour d’appel de Paris. Le résultat paraît bien incertain : à  supposer que le juge congolais y consente, ce ne sera certes pas lui qui déterrera les restes mortuaires de Savorgnan de Brazza mais bien les autorités congolaises nécessairement sur instructions de l’État congolais.

Ensuite – seconde remarque – infliger au Congo 8000 euros d’astreinte par mois de retard, en cas de non exécution de l’arrêt passé le délai de trois mois, n’a et n’aura jamais aucune incidence sur l’exécution de l’arrêt. Que feront les avocats de la famille si le Congo refuse de s’y plier ? Ont-ils prévu de saisir les avoirs du Congo situés en France ? L’immunité d’exécution dont bénéficie l’État congolais interdira une telle saisie. Et aucun huissier en France n’ira jusqu’à mettre à exécution une saisie d’avoirs sur des comptes bancaires détenus par l’ambassade ou le consulat du Congo.

Cet arrêt est une victoire à la Pyrrhus c’est-à-dire une belle décision sans aucun avenir juridique sauf à convaincre le Congo, par d’autres moyens que ceux employés jusqu’ici, d’y donner une suite favorable.