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Google Inc. condamnée par la CNIL à payer 150.000 euros

Google

Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), 3 janvier 2014

Le 9 février 2014, les internautes qui ont utilisé la page du moteur de recherches de Google, ont pu lire, en dessous du formulaire destiné aux recherches proprement dites, le bandeau suivant :

Communiqué : la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés a condamné la société Google à 150 000 euros d’amende pour manquements à la loi « informatique et libertés ». Décision accessible à l’adresse suivante : CNIL

La décision à laquelle renvoie ce communiqué a été rendue par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le 3 janvier 2014. Elle faisait suite à une enquête menée par la CNIL contre le géant américain sur le fondement de la « loi informatique et libertés » de 1978 et de la directive 95/46/CE adoptée par la Communauté européenne en 1995.

 

I- Google, « Big Brother » ?

Les faits qui sont reprochés à Google, découlent de l’adoption, le 1er mars 2012, par Google Inc. de nouvelles règles de confidentialité.

Selon la CNIL, Google Inc. violerait ainsi la loi française notamment en collectant des informations sur les internautes qui utilisent ses services, directement ou indirectement, à des finalités obscures, souvent sans leur consentement préalable et ce, pour une durée contraire à la réglementation en vigueur. Google Inc. croiserait même différents fichiers collectés à des fins publicitaires.

Le géant américain se défend en fait et en droit.

Tout d’abord, en droit, il considère que la loi française serait inapplicable puisque seule Google Inc., c’est-à-dire la maison mère située aux États-Unis et non ses différentes filiales situées en Europe, procéderait au traitement informatisé des données recueillies.

Ensuite, dans les faits, la société aurait simplifié ses règles de confidentialité par souci d’efficacité. Le consentement des internautes serait toujours recueilli sur les sites gérés directement par Google Inc.. Par ailleurs, la loi n’imposerait absolument pas que les données recueillies, soit conservées pour une durée préfixée, contrairement à ce que prétend la CNIL.

 

II- La sanction imposée par la CNIL

Après avoir adressé à Google Inc. une mise en demeure, lui enjoignant de mettre ses nouvelles règles en conformité avec le droit français, la CNIL a donc imposé au géant américain, une « sanction pécuniaire » d’un montant record de 150.000 euros. Cette amende était d’une obligation supplémentaire : Google Inc. devait apposer le bandeau reproduit ci-dessus durant 24 heures sur le site de son moteur de recherches.

La société condamnée a immédiatement réagi en faisant appel de cette décision devant le Conseil d’État et, en introduisant, par ailleurs, un référé en urgence afin d’obtenir de ne pas avoir à publier, sur son site, le bandeau demandé par la CNIL. Selon Google Inc., ce bandeau aurait porté une atteinte grave à sa réputation. Mais le juge unique des référés du Conseil d’État ne l’a pas suivi arguant, en l’espèce, l’absence d’urgence.

 

III- La violation des droits de Google ?

Pour un avocat de droit international, cette espèce présente des « anomalies » criantes dont notamment, l’absence de deux degrés de juridiction.

En effet, le montant élevé de la sanction pécuniaire infligée à Google Inc. fait de cette sanction, une sanction pénale au sens du droit international des droits de l’homme. Les garanties d’un « procès pénal » s’appliquent donc à l’espèce ce qui inclut l’existence de deux degrés de juridiction indépendants et impartiaux.

Or, le premier degré, à savoir la CNIL, a procédé, dans cette affaire, à un délicieux mélange des rôles, en instruisant (procureur) et en condamnant (juge) Google Inc.. De fait, la CNIL ne peut passer, en l’espèce, pour une juridiction indépendante et impartiale.

Par conséquent, même à supposer que le Conseil d’État parvienne à « corriger » le manque d’impartialité inhérent, semble-t-il, à la CNIL, il manquera toujours, dans cette affaire, un second degré de juridiction.

Le moment venu, rien n’interdira donc à Google Inc. de s’adresser à des juridictions internationales afin d’obtenir une condamnation de la France dans ce dossier pour, entre autres manquements, la violation de son droit à un procès équitable.