Woll avocat

Actualités du droit international

Que peut faire le Japon pour récupérer Carlos Ghosn ?

japon-01

 

 

L’idée que le Japon ne disposerait d’aucun moyen pour « récupérer » Carlos Ghosn est assez répandue dans les médias français. Cette idée est fausse car le Japon est un Etat et, à ce titre, dispose de moyens hors nomes.

 

I.- Le Japon peut saisir la Cour internationale de Justice

 

Dans un premier temps, le Japon devrait demander au Liban d’extrader vers lui, M. Carlos Ghosn non pas en application d’une convention d’extradition (inexistante) mais en application du principe aut dedere, aut judicare.

Cet adage latin pourrait obliger le Liban à extrader Carlos Ghosn ou, à défaut, à le juger.  A noter que le caractère coutumier du principe aut dedere, aut judicare – et donc obligatoire en droit pour le Liban – est discuté voire discutable.

Dans un second temps, face à l’inertie du Liban, le Japon serait en droit de saisir la Cour internationale de Justice (La Haye) afin qu’elle ordonne la « livraison » de Carlos Ghosn.

Et si tel était le cas, le Liban n’aurait d’autre choix que de livrer Carlos Ghosn au Japon afin que les poursuites judiciaires contre lui reprennent.

 

II.- Le Japon peut obtenir une extradition avec la complicité d’un autre Etat

 

Le Japon a signé différents traités d’extradition avec d’autres Etats de la planète.

1- Un Etat X avec lequel le Japon et le Liban ont signé des accords d’extradition pourrait demander au Liban l’extradition de Carlos Ghosn pour une infraction donnée.

2- Une fois sur le territoire de l’Etat X, le Japon serait alors fondé à demander à l’Etat X que Carlos Ghosn soit extradé vers son territoire.

L’hypothèse paraît compliquée à mettre en oeuvre mais, eu égard à la manière dont Carlos Ghosn vilipende le système juridique japonais dans les médias, il est peu probable que le Japon ne tente pas tout ce qui est en son pouvoir.

 

III.- Le Japon peut faire enlever ou prendre livraison de Carlos Ghosn

 

Des enlèvements rocambolesques, en territoires étrangers, de personnes recherchées défraient régulièrement la chronique judiciaire internationale.

On peut citer, à cet égard, quelques affaires emblématiques :

  • Eichmann : criminel de guerre nazi réfugié en Argentine et enlevé, en 1960, par les services secrets israéliens ou des personnes travaillant pour lui (ce n’est pas clair) ;
  • Argoud : colonel de l’OAS, recherché en France mais vivant en Allemagne, et retrouvé, en 1963, ligoté près de la préfecture de Paris, prêt à être cueilli par les autorités françaises ;
  • Larretxea : « terroriste » réfugié en France et que 3 policiers espagnols ont essayé d’enlever en 1983 ;
  • Machain : docteur résidant au Mexique, suspecté d’avoir tué un enquêteur américain de la Drug Enforcement Administration, enlevé en 1990 par des membres de cet organisme.

En l’absence de tout consentement de l’Etat sur le territoire duquel l’individu s’était réfugié, il s’agit d’une pratique totalement illégale car elle viole la souveraineté de l’Etat sur lequel l’individu est enlevé, qui est consacré à l’article 2§7 de la Charte des Nations Unies.

Devant les tribunaux internes, la question de la violation de l’article 2§7 de la Charte des Nations Unies a été systématiquement soulevée. En vain…les juges ont soit appliqué le principe male captus, bene detentus (dont la traduction est inutile !), soit considéré que l’article 2§7 de la Charte des Nations Unies ne pouvait être invoqué devant eux.

Carlos Ghosn a donc du souci à se faire. Des agents du Japon ou des « mercenaires » recrutés à cet effet ou agissant spontanément dans l’espoir d’une rançon, seront d’autant plus tentés que la déliquescence de l’Etat libanais favorise ce type d’aventure.