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Actualités du droit international

Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies

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Lorsqu’on parle « droits de l’homme », aujourd’hui, immanquablement, on vise la Cour européenne des Droits de l’Homme. Or, ce n’est pas le seul organe judiciaire à pouvoir examiner des plaintes de particuliers contre des États.

Il existe, en effet, une autre instance internationale, dotée de pouvoirs plus larges que ceux de la Cour mais qui, faute d’être aussi médiatisée qu’elle, est ignorée des victimes et des avocats non spécialistes : il s’agit du « Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies ».

I- Présentation

Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies n’a rien à voir ni avec l’actuel « Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies », ni avec feue la « Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies ».

Contrairement aux institutions précitées, le Comité n’est pas un organe politique. Sa raison d’être est de contrôler le respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les États qui l’ont ratifié ou y ont adhéré. A ce jour, ce traité compte cent soixante-huit États parties (ce qui est considérable).

Le Comité est un organe juridictionnel international, composé de dix-huit membres, tous spécialistes des droits de l’homme, généralement professeurs de droit, magistrats, parfois avocats ou diplomates, et dont l’indépendance et l’impartialité ne font aucun doute. Élus pour quatre ans par les États parties au Pacte, ils viennent de tous horizons géographiques (Europe, Afrique, Moyen-Orient, Asie, Océan indien, Amérique latine, etc.).

II- Rôle

Le Comité exerce deux types de mission en lien étroit avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : d’une part, il contrôle la législation des États parties dans le cadre de réunions auxquelles participent les représentants des États et les différents membres du Comité ; d’autre part, il se prononce sur les plaintes que peuvent lui adresser des individus pour violation des droits de l’homme.

Cette seconde mission est la plus importante. Sous certaines conditions, de forme et de fond, toute personne se disant victime d’une violation des droits de l’homme, peut saisir le Comité. Celui-ci examine alors attentivement les griefs soulevés et, s’il constate une violation du Pacte, rend des « constatations ».

Ces constatations ne sont pas des « décisions de justice » à proprement parlé car le Comité n’est pas officiellement qualifié par les textes de « cour » ou de « tribunal ». Cela n’a guère d’importance car ces constatations s’imposent aux États dans la mesure où ceux-ci lui ont confié le soin de se prononcer sur les plaintes qui viennent à lui. En cas de violation du Pacte « constatée » par le Comité, la coutume internationale leur impose d’y remédier.

III- Pouvoirs du Comité

Les pouvoirs du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies sont, en un certain sens, plus étendus, plus libres que ceux de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Quand cette dernière se limite, aujourd’hui presque systématiquement, à allouer une « satisfaction équitable » qui prend la forme d’une indemnité, il est arrivé au Comité d’exiger que des personnes, en l’espèce des fonctionnaires, soient poursuivies et condamnées par des tribunaux pénaux internes.

En règle générale, s’il voit une violation du Pacte, le Comité conclut ses constatations de la manière suivante :

Étant donné [que] l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et [qu’il] s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans la Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 180 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations.

Le Comité désigne alors un de ses membres pour surveiller les suites qui seront données à l’affaire par l’État violateur. S’instaure ainsi un dialogue entre l’avocat de la victime, l’État partie et le Comité jusqu’à ce que ce dernier estime qu’eu égard aux violations qu’il a constatées, la victime a obtenu une juste réparation. Et cette réparation peut prendre toutes les formes possibles et imaginables.

 IV- Quelques affaires emblématiques

L’audace du Comité qui fait sa force et qu’il tire de l’origine géographique et intellectuelle de ses membres, l’ont conduit à rendre des décisions extrêmement courageuses.

1) Affaire Toonen c/ Australie

Dans cette affaire, les constatations rendues par le Comité datent du 4 avril 1994.

L’auteur de la plainte était homosexuel et se plaignait des articles 122 et 123 du code pénal de Tasmanie qui, à l’époque, faisaient des relations sexuelles consenties entre hommes, un délit.

Le Comité estima qu’il s’agissait là d’une violation du droit à la vie privée du plaignant. Plus inattendu, il ajouta que l’interdiction de discriminer des personnes à raison de leur « sexe » incluait également l’ « orientation sexuelle » ce qui montre combien le Comité se sent « libre » d’interpréter les textes à sa guise.

Partant, monsieur Toonen devait pouvoir obtenir une « réparation » que le Comité, de façon tout aussi inattendue, se permit d’indiquer :

[d]e l’avis du Comité, l’abrogation des articles 122 a) et c) et 123 du Code pénal de Tasmanie constituerait une réparation effective.

2) Affaire Sayadi–Vinck c/ Belgique

Cette affaire, jugée en 2008, présente une spécificité remarquable, celle d’avoir fait plier le Conseil de sécurité des Nations Unies, autrement dit, l’institution la plus puissante au monde.

Les époux Nabil Sayadi et Patricia Vinck, tous deux ressortissants belges, s’étaient mariés au Pakistan dans la mosquée prétendument fréquentée, à l’époque, par Oussama Ben Laden. Après une enquête de police, probablement un peu rapide, la Belgique demanda au Conseil de sécurité, des Nations Unies d’inscrire leur deux noms sur la liste onusienne des personnes affiliées à Al-Qaida et aux Taliban. Une fois inscrits, tous leurs avoirs furent gelés et il leur était interdit de voyager à l’étranger.

Les recours devant les tribunaux internes belges échouèrent tous. C’est alors que les époux décidèrent de saisir le Comité des Droit de l’Homme des Nations Unies. Celui-ci, dans une longue décision, condamna la Belgique pour avoir donné leurs noms en pâture au Conseil de sécurité alors même que les preuves de leur implication dans des actes de terrorismes n’étaient absolument pas avérée.

Condamnée par le Comité, la Belgique, quelques mois plus tard, obtint du Conseil de sécurité des Nations Unies la radiation des noms des plaignants de la liste incriminante. Sans les « constatations » du Comité, monsieur et madame Sayadi-Vinck n’auraient toujours pas, aujourd’hui, récupéré la pleine jouissance de leurs avoirs et le droit de voyager où bon leur semble.